15. Jean-Louis SCHLESSER - La chronique MyLittleRedCar dans AUTOHEROES #026

AutoHeroes Senna

1999, première victoire sur le Dakar avec ce Buggy Schlesser numéro 200. Les ateliers Schlesser construisaient une voiture par an. 22 furent ainsi produites. 

LE “DAKAR” EN CAISSE À SAVON

 

Longtemps spécialiste de l’asphalte en monoplace et en sports prototypes, Jean-Louis Schlesser a fini par succomber à l’appel du désert. Un retour aux sources.

 

Mes poumons se remplissent de fines particules de sable fourmillant dans le vent brûlant. Ivre de vitesse, je fonce droit vers l’océan sur une pente aussi raide que chaotique. Au passage des ornières, mes doigts s’accrochent au volant comme les serres d’un aigle sur sa proie. D’instinct, je jette un œil sur le bolide qui roule juste derrière moi, je suis hilare, je jubile, je suis heureux, je suis devant. Je dévale les pentes de la Kasbah d’Agadir en short et en sandales, dans mon engin de fortune : une caisse à savon !

J’ai huit ans. Mon frère et moi les fabriquions avec des bricolages de trois sous et de précieux roulements à billes. Croyez-moi, nous avons souvent franchi le mur du son ! Quels souvenirs, quelle liberté ! Une douce audace née de l’innocence ou plutôt de l’inconscience de l’enfance. Quels parents laisseraient des garçonnets agir ainsi aujourd’hui ? Impossible. Le danger était bien réel et les écorchures aussi. L’audace et la témérité étaient déjà les qualités indispensables pour dépasser nos limites et au diable la prudence !

Mon oncle, Jo Schlesser, pilote émérite, est mort en course en 68. Souvent, on m’a demandé si cela n’avait pas ancré en moi une certaine appréhension et le sentiment de risquer ma vie sur les circuits. Eh bien, non, je n’ai jamais ressenti ce genre de peur. Cela ne m’est jamais venu à l’esprit, exactement comme lorsque je dévalais les pentes de mon enfance. Je suis persuadé que pour exercer le métier de pilote, il est nécessaire de s’être construit ainsi, en totale harmonie avec la vitesse et sans jamais se poser de questions existentielles. Aller vite aussi naturellement que l’on respire, voici la clef !

J’ai donc débuté dans ce métier avec une passion pour la vitesse, mais je me suis rapidement pris de passion pour la gagne. Pour être le premier, la vitesse est alors devenue non plus une fin, mais un simple moyen. Après mon début de carrière en monoplace puis mes titres de champion du monde des sports-prototypes en 1989 et 1990, je suis tombé en admiration devant Robby Gordon qui battait tous les records aux USA. Il était le King du désert en deux roues motrices ! C’est alors que j’ai décidé de créer mes propres bolides, spécialement conçus pour les rallyes-raids : les Buggy Schlesser Original.

Chercher la perfection dans la conception devenait le challenge.

Je m’étais donc entouré de gens un peu comme moi, une formidable équipe de mécaniciens, techniciens de génie, aussi adroits qu’astucieux. Un copain m’a dit un jour : « Certains sont ingénieurs mais d’autres sont ingénieux ! » Lorsque j’observe chaque détail de cette miniature magnifiée par Julien, je me souviens des nombreuses fois où j’ai su jouer sur la vitesse de prise de décision pour l’améliorer. Par exemple, si je décidais de changer de modèle de bras de suspension, je le faisais et le testais dans la foulée. A l’inverse des grandes équipes qui ne validaient ces changements qu’après maintes réunions. Dans mon cas, il s’agissait juste pour ma main droite de demander l’avis de ma main gauche.

Aujourd’hui, le plus jeune de mes fils débute le karting. Je peux bien lui dire que finalement, le plaisir ne réside pas uniquement dans le fait de remporter la victoire, mais aussi dans le cheminement pour y arriver.

Jean-Louis SCHLESSER pour MyLitlleRedCar

 Le petit Jean-Louis a fière allure, posté à l’avant de cette Jeep. Il est chez sa grand mère à Oukaimedem sur les hauteurs de Marrakech au début des années 50 .