26. Matthieu Lamoure - la chronique MyLittleRedCar dans AUTOHEROES #037

Sortie de l’imagination d’un designer, inspirée par les lignes d’un Franco Sbarro ou d’un Marcello Gandini, cette Matchbox est un étonnant croisement entre la Stratos P0, la Ferrari Rainbow et la Lancia Sibilo.

D’un coup de Marteau à l’autre

Matthieu Lamoure, directeur de la maison Artcurial Motorcars, nous parle de sa Matchbox et de son enfance avec son éloquence d’homme de scène.

 

Cette petite auto a produit l’émotion première, une sorte d’émerveillement mêlé de curiosité, l’émotion qui guidera mes choix de vie.

Offerte par ma mère, un jour de printemps dans notre maison de Saint-Céré dans le Lot, elle l’avait déposée sur le plateau de ma chaise haute en rentrant des courses. Aujourd’hui encore, elle décrit avec attendrissement mon regard stupéfait lorsque je découvris cet objet à quatre roues, dont l’ouverture révélait un habitacle en plastique surprenant d’élégance. 

Cette Matchbox non identifiée fut la première d’une grande histoire d’amour avec mes Majorette, Norev, Hot Wheels ou Solido. Ma préférence allait pourtant vers la marque Majorette. Ces miniatures dotées des meilleurs amortisseurs, me permettaient de simuler des dérapages en faisant pencher la voiture en pleine courbe, le tout accompagné du son caractéristique que tous les grands enfants reconnaitront aisément « Ruuuuuiiiiiiiiiii » ! 

Mes bolides possédaient une sorte de privilège, celui de pouvoir entrer dans la plus sensationnelle casse de miniatures au monde, conçue spécialement pour eux. Ainsi, la plupart des modèles passaient entre mes mains pour être agrémenté de poussière, de rayures, d’une porte démontée, d’un moteur déposé ou d’un toit défoncé, peut-être mes premiers coups de marteau frappés avec précision. Très singulièrement cette Matchbox fut épargnée et conservée comme mon plus beau trésor.

Quelques trente-cinq années plus tard, grâce à mon métier, je participai à  la découverte de la plus folle sortie de grange du siècle : la Collection Baillon ! Autant dire que mon imagination d’enfant devenait réalité et ce fut un éblouissement devant ma casse miniature reproduite à l’échelle une, 80 bolides entassés, parfois plus abimés que les miens, vendus pour plusieurs dizaines de millions d’euros sous mon autre marteau.

Je me souviens également de mes dix ans, lorsque mon père m’offrit un abonnement à « Automobiles Classiques ». Je découvris avec ravissement tout un univers et je rêvais devant les photographies, scrutant chaque détail des voitures d’exception dont je devins vite friand. Les grands noms du monde automobile se bousculaient dans mon esprit, un certain Hervé Poulain et ses Art Cars, Pininfarina et ses Ferrari de rêve, des collectionneurs de renom. J’avais été littéralement happé par ce monde du design et de la vitesse et je ressentais cette énergie si particulière propre aux passions enfantines. 

Parallèlement, ma mère, professeur d’Arts Plastiques tentait de m’initier à l’histoire de l’art à travers les plus grands musées d’Europe. Il faut bien l’avouer, à cet âge, je n’étais pas au comble de l’exultation en découvrant l’influence des mouvements de peinture ou de sculpture sur les courants esthétiques au fil des siècles ! Je trouvais ce domaine ennuyeux voire soporifique comparé à l’univers de l’automobile. 

Il m’apparait évident maintenant que ces leçons maternelles permirent de construire les fondations de ma future vie professionnelle. Maman m’offrit des outils indispensables, me transmettant sa soif de culture, son énergie, son enthousiasme et surtout une grande sensibilité pour la perfection et la recherche de la ligne idéale. 

Après mon bac, j’hésitais entre des études de design automobile ou de commerce de l’art. Un jour, ahuri et plein d’admiration, j’eus la chance d’assister à une vente-spectacle d’Hervé Poulain, adjugeant au Palais des Congrès, des automobiles plus belles les unes que les autres et ce, avec un talent d’orateur hors-pair. Ce jour fut comme un rendez-vous avec mon destin. La vente aux enchères serait le plus beau métier du monde pour un amoureux de l’automobile comme je l’étais, le plus beau métier pour  découvrir, raconter, rencontrer, partager, voyager, contempler et théâtraliser ! 

De la petite Matchbox que je tenais dans mes mains d’enfant à l’essai des plus prestigieuses et passionnantes voitures de l’histoire, il n’y avait finalement que quelques coups de marteau !

« Je ne le savais pas encore, au guidon de cette moto, mais ma route sera toujours plus belle, pleine de rencontres et de grandes histoires… » 

Bonus :